Confinés en couple : enfer ou paradis ?

Confinés en couple : ce qui aurait ressemblé au Paradis lors de la rencontre pourrait bien s’approcher de l’Enfer quelques années plus tard.

 

Vivre ensemble sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre n’est pas forcément joyeux ni heureux. Il est bien connu que le taux de divorce fait un bond lorsque les époux se trouvent tous deux à la retraite : une situation, pourtant prévisible, du parcours du couple où les deux partenaires se retrouvent soudain déchargé de toute obligation professionnelle, et sont censés rester à la maison ensemble. Et six semaines de confinement semblent avoir eu raison de nombreux couples chinois, comme l’indique cet article de Courrier International.

De l’amour romantique à la lutte de pouvoir

Pourquoi est-ce si difficile de vivre ensemble au quotidien quand on s’aime ? Une fois passée la période (délicieuse) de l’amour romantique, qui dure de quelques semaines à un maximum de trois ans (voir Comment devient-on amoureux, de Lucy Vincent), tous les couples entrent dans une seconde phase de leur existence, que Harville Hendrix (Le couple, mode d’emploi) appelle La lutte de pouvoir : une expression qui dit bien ce qu’elle veut dire…

Et en effet, ne nous racontons pas d’histoire : n’est-il pas vrai que vous êtes souvent en lutte avec votre conjoint pour « avoir raison » ? Ne cherchez-vous pas, et lui aussi, à vous convaincre mutuellement que vous savez mieux faire ceci, dire cela ? Est-ce votre mère ou la sienne qui sait mieux coudre, cuisiner, repasser, faire le ménage, soigner, jardiner, écouter les peines de coeur, éduquer les enfants, et j’en passe ? Que ce soit subtil, à fleurets mouchetés, ou carrément ferme, voire violent, les partenaires en couple consacrent une énergie incroyable à invalider l’autre. C’est comme si chacun avait peur de perdre sa valeur propre si jamais il ou elle était amené à devoir reconnaître une faiblesse, une erreur. Comme si avoir raison était plus important que de prendre soin de la relation entre eux.

Heureusement, il y a les fuites

A la décharge de tous les couples empêtrés dans cette lutte de pouvoir, il faut reconnaître que c’est le seul modèle de vie en couple que les deux partenaires connaissent. Seules les modalités changent : chez Jeanne, on se tire la tronche et on ne se parle pas pendant plusieurs jours de rang, chez Paul, on se crie dessus aux repas, chez Marie, tout se passe en finesse et en mots d’esprits bien sentis, qui font plus mal encore que des coups, et chez Marc, justement, c’étaient les coups qui pleuvaient. Enfants, tous se sont dits « Plus jamais ça » avant de reproduire le schéma une fois en couple, mais en adoptant le plus souvent un autre mode relationnel : au lieu de coups, ils envoient des vannes, au lieu de pleurer, elles crient…

Mais, heureusement, on a beau s’aimer, on ne passe pas toute sa vie ensemble. D’abord, il y a le travail, qui nous occupe tous quand même pas mal : trajets compris cela fait bien une cinquantaine d’heures par semaine passées hors du foyer conjugal. Ensuite, il y a les enfants, qui mobilisent beaucoup l’attention des couples parentaux, qui tentent en règle générale de mettre leurs conflits de côté pendant ce temps-là. Enfin, il y a toutes les activités : danse, sport en salle ou d’extérieur, cours de musique, de chant, de dessin, clubs de lecture ou d’œnologie, jardinage, associations caritatives, syndics de copropriété, formation continue, stages en tous genres… Et puis, quand on a travaillé, participé à son cours de yoga, fait dîner les enfants, il reste encore d’autres moments d’évasion : la télévision, Internet et, mieux encore, le sommeil.

Tous ces temps consacrés à notre intérêt personnel ou professionnel, et même ces temps de parentage, sont des temps retirés à notre vie de couple. D’une certaine façon, il s’agit de fuites. Et bien souvent notre partenaire ne s’y trompe pas : « Quoi ? Tu vas encore danser/chanter/dessiner/… ! » Comme il est communément admis dans notre société que ni le couple ni quoi que ce soit d’autre ne doit entraver le développement et la liberté personnels de l’individu, il est assez rare de voir un des partenaires renoncer à une pratique sportive ou culturelle pour faire plaisir à son conjoint. Cela serait vécu comme une défaite. Qui dit défaite dit combat : et nous voilà revenus à la lutte de pouvoir.

Le confinement fait peur aux couples

Dans ce cadre, qui, encore une fois, est généralisé, on ne s’étonnera pas que la simple perspective du confinement entre quatre murs pour une durée de surcroît inconnue fasse littéralement peur aux couples qui s’y engagent bien malgré eux.

Et pourtant. Pourtant, on pourrait aussi imaginer que de rester ensemble à deux ou en famille, sans obligations professionnelles (ou avec des obligations restreintes) représente un moment passionnant et très heureux de redécouverte les uns des autres. Car, nous l’avions oublié, cet homme cette femme, je l’ai choisi(e) pour ses différences par rapport à moi. Je suis timide et elle est hyper-sociable ; je suis bordélique et elle est rangée ; je déteste cuisiner, elle adore ça ; elle ne s’intéresse pas une seconde à l’argent, et je suis un financier hors-pair ; elle adore voyager, moi pas tellement ; elle fait des photos magnifiques, et j’adore regarder de belles images, etc. Ces différences qui nous ont attirés l’un vers l’autre ne sont pas des divergences, ce sont des complémentarités qui nous permettent de créer une complétude en constituant notre couple. Regardez les couples qui durent : ce sont des couples où chacun est respecté par l’autre pour ce qu’il sait ou aime faire.

Redécouvrir son conjoint et nourrir son couple

Imaginez juste quelques instants que vous ayez pu dépasser la lutte de pouvoir : si aucun de vous deux ne cherchait à avoir raison à tout prix, passeriez-vous aussi longtemps en-dehors de votre couple ? Ou bien, au contraire, chercheriez-vous à passer le plus de temps possible tous les deux ensemble ? Et si le confinement représentait cette opportunité ?

Alors, comment utiliser cette période de confinement pour redécouvrir son conjoint et nourrir son couple ? La première chose, fondamentale, c’est de le décider tous les deux, peut-être en lisant cet article ensemble. Une fois que vous serez bien décidés, parlez-en ensemble, et peut-être évoquez la question de vos fuites à chacun. Attention ! Il ne s’agit pas dire « je trouve que quand tu vas bricoler tous les jours c’est une fuite. » Il s’agit au contraire d’exprimer « je me demande si ce n’est pas une fuite quand je bricole tous les jours. » Et à partir de là, un dialogue sain peut s’engager.

Et sinon ? Sinon, revenez sur ce blog : j’ai l’intention de vous fournir un exercice ou une activité à faire ensemble chaque jour ou presque afin de renforcer votre couple.

Alors à bientôt !