Sécurité et connexion sont les bases du couple (confiné ou pas)

Utiliser le confinement en couple pour mettre fin à la lutte de pouvoir et rétablir une relation harmonieuse ne va pas de soi. Cela requiert un impératif : la sécurité, et un objectif : la connexion.

Depuis notre plus tendre enfance et jusqu’à aujourd’hui, nous sommes tendus dans une attente que nous n’osons plus exprimer, et qui est, tout simplement, de trouver quelqu’un avec qui nous serions en connexion instantanée, profonde, complète. Même si on pourrait considérer qu’elle a quelque chose d’infantile, cette attente est parfaitement logique, tout à fait normale en soi. Elle exprime notre nostalgie d’un temps révolu où nous avions en permanence la certitude de recevoir exactement ce dont nous avions besoin, au moment même où nous ressentions ce besoin.

Nous avons tous connu une période de notre vie où nous nous vivions dans la félicité une sécurité et une ataraxie (absence de besoins) parfaites. Ce temps idéal, c’est bien sûr les premiers mois de notre existence, lorsque nous étions dans le ventre de notre mère. Même ceux d’entre nous dont la grossesse s’est mal déroulée ont connu une période de félicité, plus courte que ceux dont la grossesse s’est bien passée. Cette expérience idéale s’est achevée à l’instant de notre naissance, mais nous en avons conservé le souvenir indistinct (car sans image) chevillé au corps, et nous continuons d’en avoir la nostalgie.

Cette nostalgie et ce besoin sont si absolus, si profonds, qu’il n’est pas possible de s’en libérer par le raisonnement : inutile de se dire intérieurement « Ca y est, d’accord, j’ai compris le coup de la nostalgie , c’est bon j’y renonce ». Malheureusement, la prise de conscience ne suffit pas, car ce souvenir est inscrit dans notre corps, et c’est notre corps lui-même, en tout autonomie et sans en référer à notre mental, qui cherche à se procurer de nouveau cette expérience de totalité. 

Sans le savoir, nous importons cette attente, ce désir, dans chacune de nos relations, dans chacun de nos échanges, même anodin. Il y a toujours enfoui quelque part en nous un petit veilleur qui interroge, d’une voix faible « et elle, est-ce la bonne personne, celle qui me comprendra d’instinct et me fournira immédiatement tout ce dont j’ai besoin ? » Bien entendu, cette attente est irréaliste et elle est par conséquent toujours déçue.

Une bonne nouvelle dans tout cela : la relation de couple permet aux deux partenaires de recevoir selon leurs attentes sécurité, connexion et besoins comblés. Ce qu’elle ne permet plus une fois la période romantique dépassée, c’est de recevoir tout cela de façon « naturelle », c’est-à-dire sans que cela soit délibéré.

La sécurité dans le couple, un préalable

De ces trois besoins, celui qui est essentiel, et sur lequel se fondent les deux autres, c’est le besoin de sécurité. C’est aussi celui auquel il est le plus difficile de répondre entièrement, car il est si vital, si impératif, que tout notre être vibre d’angoisse et de colère contenue à l’idée qu’elle ne soit pas assurée, au point que nous ne maîtrisons pas nos réactions corporelles et émotionnelles si nous nous sentons – même à tort – en danger. C’est normal, car la question de la sécurité est pré-verbale. Elle relève du cerveau reptilien, la partie du cerveau, que nous partageons avec tous les animaux, qui déclenche automatiquement l’une des quatre réactions possibles en réponse au danger : le figement, la fuite, l’attaque ou la soumission.

Le cerveau reptilien entre en scène à chaque fois qu’une situation évoque, même de très loin, une agression. Une porte qui claque, le ton qui monte, un regard sombre, des mâchoires serrées, un bruit inattendu, une démarche un peu raide… Tout lui est bon pour lancer l’alerte, et mettre l’ensemble de l’organisme en position de défense. Soudain, les muscles se tendent (pour pouvoir fuir ou combattre), le fonctionnement de tout le système involontaire (digestion par exemple) est inhibé, celui du système volontaire (muscles d’action) est suractivé, le coeur bat plus vite et la respiration s’accélère. Cette réaction physiologique involontaire est incontrôlable et quasi-instantanée. Ne vous étonnez plus si votre conjoint démarre au quart de tour à la suite d’une remarque qu’il aura trouvée désobligeante parce qu’elle était prononcée sur un ton inapproprié (et, en général, avec un ou deux mots superflus : « Quoi ? Tu as encore oublié d’acheter le pain ? »). 

La connexion est vitale

La sécurité, donc, est difficile à mettre en place et à faire ressentir sans mélange à son partenaire. Pourtant, elle est essentielle à l’établissement de la connexion. La connexion, le lien, ne sont pas seulement nécessaires à un bon développement de l’être (animal ou humain), ils sont, littéralement, vitaux pour l’organisme. On a pu observer, par exemple, que des enfants hospitalisés privés de tendresse, qui n’étaient pas regardés, pas pris dans les bras et pas câlinés, mouraient alors même qu’ils recevaient les soins médicaux et nutritifs nécessaires : c’est l’hospitalisme, décrit par le psychiatre René Spitz. Une autre étude souvent citée démontre que des bébés chimpanzés préfèrent se trouver avec un mannequin inerte recouvert d’un tissu doux auquel ils peuvent se frotter qu’avec un autre en fil de fer mais porteur d’un biberon. En fait, la psychologie du développement montre que nous sommes avant tout des êtres relationnels. Inversement, l’expérience du « visage impassible » démontre clairement à quel point le bébé (humain cette fois-ci) est paniqué lorsqu’il ne parvient plus à entrer en relation avec sa mère, qui conserve un visage impassible à chacune de ses tentatives, quelle qu’elle soit (voir cette vidéo). Nous avons intensément besoin d’être en relation pour vivre, et d’être en connexion pour établir et conserver une relation : la connexion est vitale.

Le couple sert à ça : se sentir en sécurité et établir un lien qui se renforce sans cesse avec le temps afin de se sentir toujours plus en connexion. De ce point du vue, le couple permet dans l’idéal aux deux partenaires de recevoir ce dont ils rêvent depuis leur toute petite enfance, une sécurité absolue et une connexion totale dans une relation apaisée, qui leur fournit tout ce dont ils ont besoin.

Etablir la connexion avec son partenaire 

Qu’est-ce que la connexion ? La connexion, c’est cet état dans lequel vous vous trouviez avec votre partenaire aux premiers temps de votre amour, et avec votre mère lorsque vous étiez un petit enfant. Si l’un des deux allait mal, l’autre le percevait aussitôt ; si l’un des deux pensait à quelque chose, il y avait de fortes chances pour que l’autre pense à la même chose ; et lorsque vous vous regardiez dans les yeux, vous trouviez une immédiate confirmation de votre amour, et une tendresse infinie. Cet état de connexion, vous pouvez, et vous savez, comment le retrouver avec votre partenaire de vie. La seule raison pour laquelle vous ne le provoquez pas plus souvent dans votre quotidien, c’est que la lutte de pouvoir vous met tous deux en insécurité affective. Or, la connexion suppose d’accepter de se mettre délibérément en vulnérabilité, ce qui requiert un sentiment absolu de sécurité. 

Alors, comment faire ? La méthode Imago propose une recette toute simple. Installez deux chaises face à face, dans une pièce où vous serez tranquille et dont vous avez banni toute distraction possible (télévision, ordinateurs et smartphones sont donc éteints). Asseyez-vous et rapprochez vos chaises jusqu’à ce que cela ne soit plus possible de les avancer, prenez-vous les mains. Fermez les yeux tous les deux et prenez au moins trois grandes respirations profondes et lentes en expirant par la bouche ; prenez la décision de laisser de côté tous vos griefs du moment et tous vos soucis ; imaginez votre partenaire s’avancer vers vous avec amour, comme vous le voyiez au début de votre relation, imaginez qu’il vous sourit et qu’il a pour vous un grand regard émerveillé et plein d’amour. Souriez et, avant d’ouvrir les yeux, mettez dans votre regard toute la douceur et la tendresse du monde.

Puis, ouvrez tous deux les yeux et plongez-les dans ceux de votre partenaire. Regardez-le, regardez-la, longuement, repassez-vous tous les bons moments de votre vie commune, tous les souvenirs que vous aimez, repensez à toutes ses qualités qui vous ont séduites lors de votre rencontre. Et continuez de vous regarder comme ça, simplement, pendant au moins cinq minutes sans parler. Si vous vous mettez à sourire ou à rire, et même à pleurer, tant mieux, accueillez ce qui vient. Lorsque les cinq minutes seront écoulées, prenez-vous dans les bras, câlinez-vous. Profitez de la connexion. Et ne discutez de cette expérience qu’ensuite.

Profitez du confinement ! 

Grâce au confinement, rien ne s’oppose à ce que vous décidiez de pratiquer ce petit exercice, qui dure au maximum dix minutes, chaque jour au moins une fois par jour. Dans les premiers temps, cela vous semblera sans doute un peu étrange, c’est vrai. Mais bon, et alors ? L’essentiel, c’est que vous soyez d’accord pour le pratiquer tous les deux, malgré vos réticences. Et observez ensuite, dans la journée et dans les jours suivants, les effets que cela a sur la qualité de votre relation.